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SeaFrance: sauvetage en eaux troubles

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Pour un peu, on se serait cru dans le happy end d’un épisode de «La Croisière s’amuse». Sur le port de Calais, lundi 11 juin, tout le monde s’embrassait, certains pleuraient de joie, d’autres se congratulaient après l’annonce de la reprise des bateaux de SeaFrance par Eurotunnel. Comme dans la série télévisée, même si les choses ne se passent pas toujours aussi bien qu’on le voudrait, à la fin, tout finit par s’arranger. Si le soulagement des salariés de SeaFrance, la compagnie de ferries placée en liquidation judiciaire, est compréhensible, la solution choisie par le tribunal de commerce l’est nettement moins. La sauvegarde de plus de 500 emplois se fait au prix d’un montage qui pose plus de questions qu’il n’en résout.

D’abord, à propos de l’identité du repreneur. Il y a une certaine ironie à ce que l’exploitant du tunnel sous la manche, qui est en partie à l’origine des difficultés de SeaFrance, joue les sauveteurs en mer. Eurotunnel, qui affirmait encore il y a peu que le trafic transmanche est en surcapacité, se fait fort d’ajouter trois navires supplémentaires. Dans quel but organiser ainsi sa propre concurrence surtout avec des perspectives de développement plutôt médiocres? SeaFrance avant sa liquidation détenait 18% de parts de marché, Jacques Gounon, le PDG d'Eurtunnel table désormais sur 9%.

Malgré tout, Eurotunnel, qui avait déjà 40% de parts de marché, va se retrouver en position hégémonique. Même si le groupe plaide qu'il n'exploitera pas directement les bateaux, le montage présente un vrai risque juridique: que vont dire les autorités de la concurrence aussi bien au niveau européen que français? P&O, l'un des principaux acteurs du marché a annoncé qu'il saisirait la Commission de Bruxelles pour abus de position dominante.

Ensuite, il y a la question de la coopérative ouvrière, qui va louer les navires à Eurotunnel. Le fait que Didier Cappelle, le leader de la CFDT-Maritime, exclu de sa confédération, et Eric Vercoutre, le secrétaire du comité d’entreprise espèrent y jouer les premiers rôles, alors qu’ils sont soupçonnés de malversations, n’augure rien de bon.

Il y a enfin la question du rôle des pouvoirs publics. Comment expliquer les quatre reports de la décision du tribunal, sinon par une agitation politique en plein cœur des échéances électorales? Le but, légitime, était de sauver un maximum d’emplois. Mais au lieu de faire le choix du réalisme avec le plan de reprise de Louis Dreyfus Armateurs et du danois DFDS, peut-être moins-disant sur le plan social, mais sans doute plus pérenne sur le plan économique, on a préféré une solution aléatoire, qui sauve les apparences à quelques jours du second tour des élections législatives.

Après ce happy end savamment orchestré, on a la désagréable sensation qu’il y aura d’autres épisodes, moins heureux cette fois. Qu’importe, si cela tourne mal, Eurotunnel aura pu peser sur sa concurrence maritime et pourra toujours revendre ses navires achetés à un prix défiant toute concurrence. Les hommes politiques seront déjà concentrés sur les prochaines élections. Mais qui sera là pour repêcher les salariés?

Twitter: @StephaneLauer


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